Clôturée le 13 juin 2025 à Kolwezi (Lualaba), la 12ᵉ session de la Conférence des gouverneurs a accouché d’un bouquet dense de recommandations dans un contexte où la décentralisation et la couverture santé universelle (CSU) sont au cœur des enjeux provinciaux. Tenu sur le thème « La santé comme facteur de cohésion sociale et du développement durable des provinces », ce rendez-vous de quatre jours a mobilisé les exécutifs provinciaux autour des défis multidimensionnels du pays.
Sous la coordination du Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, les gouverneurs ont planché sur des pistes concrètes pour renforcer l’autorité de l’État, réformer la gouvernance locale, moderniser les infrastructures et faire de la santé un droit accessible à tous. Voici l’essentiel à retenir des recommandations formulées par les différentes commissions.
- Gouvernance et sécurité : vers une décentralisation plus fonctionnelle
La Commission politique et administrative a insisté sur la nécessité de doter la CENI des moyens adéquats pour finaliser le cycle électoral et de renforcer le fonctionnement des institutions provinciales.
Parmi les propositions phares :
• Mise en œuvre de la caisse nationale de péréquation (CNP) ;
• Fin des interférences politiques dans la gestion provinciale ;
• Répression des réseaux armés, et encadrement accru des jeunes désœuvrés par le Service national ;
• Redynamisation du programme P-DDRCS (Programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation) ;
• Affectation équitable du personnel judiciaire, notamment dans les zones rurales.
- Santé : un nouveau cap pour la CSU
Face aux inégalités criantes d’accès aux soins, la Commission santé a recommandé un virage budgétaire fort : 15 % du budget national et provincial devrait être consacré à la santé.
Autres mesures clés :
• Décaissement d’au moins 1 million USD par province pour les urgences sanitaires (VIH pédiatrique, vaccination, nutrition) ;
• Création de mutuelles de santé et généralisation de l’assurance maladie obligatoire ;
• Promotion de l’approche "One Health" pour une santé globale humaine, animale et environnementale ;
• Respect des engagements pris dans la Déclaration de Kinshasa de mars 2025 ;
• Intégration multisectorielle de la lutte contre la malnutrition (éducation, agriculture, affaires sociales).
- Finances et développement économique : des moyens pour les ambitions
La Commission économique a pointé la précarité budgétaire des provinces. Elle plaide pour :
• Des avances mensuelles fixes de 1,5 milliard FC via la Banque centrale pour les frais de fonctionnement ;
• La rétrocession de certaines taxes aux provinces, notamment celles sur les plaques minéralogiques et les permis de construire ;
• L’équipement agricole massif et la lutte contre l’insécurité alimentaire par l’augmentation de la production locale ;
• L’implication directe des gouverneurs dans la gestion de la CNP pour un développement adapté aux réalités locales.
- Infrastructures : un plan d’urgence ambitieux
La Commission reconstruction n’a pas manqué d’ambition : plus de 2 000 infrastructures à livrer d’ici fin 2025 dans le cadre du programme PDL-145 territoires. Les objectifs incluent :
• La construction de 1 198 écoles, 778 centres de santé et 145 bâtiments administratifs ;
• La réhabilitation urgente d’aéroports (Beni, Mongala, Sankuru) et de routes stratégiques (RN3) ;
• Le développement de l’énergie hydroélectrique et solaire dans toutes les provinces ;
• L’élargissement du réseau fibre optique national d’ici 2026 ;
• La construction de palais de justice modernes et prisons dans chaque zone géographique ;
• La finalisation de grandes universités à Libenge, Lisala et Bagata ;
• La réhabilitation de centres semenciers et de recherche agricole ;
Une feuille de route exigeante mais cruciale
Ces résolutions, si elles sont suivies d’actes concrets, pourraient transformer le visage des provinces congolaises, encore freinées par la faiblesse des moyens et les chevauchements institutionnels. L’appel est lancé au gouvernement central pour que les engagements pris à Kolwezi ne restent pas lettre morte. Car au-delà des mots, c’est l’effectivité de la décentralisation et l’amélioration tangible des conditions de vie des Congolais qui sont en jeu.