À Kinshasa, la prolifération des constructions anarchiques sur la baie de Ngaliema alimente une crise sanitaire latente. Selon une note technique de la REGIDESO SA, dont notre rédaction a pris connaissance ce lundi 5 mai 2025, ces occupations sauvages menacent gravement l’approvisionnement en eau potable de plus de deux millions de Kinois.
L’usine de traitement d’eau de Ngaliema, pilier vital pour la desserte en eau des communes de Gombe, Lingwala, Kasa-Vubu, Ngiri-Ngiri, Bumbu, Selembao, Bandalungwa et Kintambo, subit de plein fouet les conséquences de l’urbanisation incontrôlée. Certaines habitations ont été érigées directement sur les conduites principales d’adduction d’eau, particulièrement le long de l’avenue Adama. Cela empêche désormais toute intervention technique de maintenance ou de réparation sur ces infrastructures sensibles.
Plus inquiétant encore, la baie elle-même est morcelée par des remblais et des constructions sur les lits du fleuve. Résultat : le flux naturel du Congo est altéré, rendant difficile le captage d’eau brute. Malgré un réaménagement financé par le Japon, qui avait permis d’installer un nouveau système de captage à 152 mètres de la rive, le recul progressif de la berge, désormais à seulement 20 mètres du point de captage, menace à nouveau l’efficacité du dispositif. En cause : les dépôts sableux et la pollution induite par l’activité humaine sur place.
Les effets ne sont pas théoriques. Aujourd’hui, l’usine puise dans une zone stagnante, avec une concentration alarmante de coliformes fécaux. Autrement dit, la population est exposée à des risques sanitaires majeurs si aucune action n’est entreprise.
Outre l’impact environnemental, ce dossier met aussi en lumière les défaillances de la gouvernance urbaine. La REGIDESO accuse certaines autorités, notamment le ministère des Affaires foncières, de passivité.
Elle évoque un précédent en 2017, où un arrêté du gouverneur avait ordonné la démolition d’installations illégales appartenant à la société ISIS SPRL. Mais au lieu de poursuivre dans ce sens, des documents officiels ont ensuite légalisé rétroactivement ces occupations.
Pis encore, en 2022, des individus, avec l’appui de hauts gradés militaires, ont été aperçus en train de lotir les terrains situés entre la clôture de l’usine et le fleuve. Les travaux de remblais se poursuivent, exacerbant une situation déjà critique.
La REGIDESO appelle à une démolition pure et simple de toutes les constructions érigées en zone non aedificandi, et ce, aux frais des contrevenants, conformément à la loi. À défaut d’une réaction rapide, le risque est grand de voir l’arrêt total de l’usine de Ngaliema, privant plusieurs communes de Kinshasa d’un accès vital à l’eau potable.
La Rédaction