La récente révélation de l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, jette une lumière crue sur une pratique budgétivore aux conséquences potentiellement graves pour les finances publiques. Selon lui, son successeur, Doudou Fwamba, aurait autorisé le décaissement de 30 millions de dollars pour le seul paiement des jetons de présence des membres du gouvernement. Ce montant, colossal dans le contexte congolais, soulève de sérieuses inquiétudes quant à la gouvernance financière et à l’utilisation des ressources publiques.
Le jeton de présence, en principe, est une allocation destinée à compenser la participation effective à des réunions importantes, telles que les conseils des ministres ou les assemblées plénières. Mais son usage détourné ou abusif transforme ce mécanisme en une rente déguisée, difficile à justifier dans un pays confronté à des défis sociaux, économiques et sécuritaires urgents.
Dépenser l’équivalent de plusieurs budgets annuels de ministères essentiels (éducation, santé, agriculture) pour rémunérer la présence ou l’absence d’une élite politique déjà rétribuée par des émoluments confortables, expose la République à une triple menace :
• Un risque d’instabilité budgétaire : en privilégiant des dépenses non productives, l’État alourdit sa masse salariale et compromet sa capacité à financer les services de base.
•Un risque d’inefficacité de l’action publique : la motivation des décideurs à participer aux réunions semble dictée par la prime, et non par l’intérêt général, ce qui vide ces rencontres de leur contenu stratégique.
• Un risque d’érosion de la confiance citoyenne : la population, déjà éprouvée par la pauvreté et l’insécurité, perçoit ces pratiques comme un mépris flagrant des priorités nationales, alimentant le ressentiment et le rejet des institutions.
Sans complaisance ni subjectivité, il est impératif de questionner la légitimité de telles dépenses et de poser le débat sur leur encadrement. Car si cette pratique venait à se banaliser, elle pourrait contribuer à faire de l’État un pourvoyeur de privilèges plutôt qu’un garant de l’intérêt collectif.
Plamedi MUZAMA